En préparation aux Etats Généraux de l’Education Prioritaire organisés par la FSU en janvier 2021, la FSU des Landes a organisé un stage Education Prioritaire. En voici le compte-rendu.

Lors de cette journée de stage sur l’Education Prioritaire étaient représentés les collèges Félix Arnaudin de Labouheyre et Victor Duruy de Mont-de-Marsan.

I / Etat des lieux :

1) Collège de Labouheyre :

Il accueille plus de 65% de boursiers, collège dont les effectifs augmentent régulièrement car situé à 1h de Bordeaux le secteur gagne en attractivité. Les effectifs sont au maximum à 25 élèves par classe. Les élèves de 6e arrivent de plus en plus faibles et les évaluations nationales auxquelles il y a 80% de réussite sont complètement déconnectées de la réalité. Des élèves allophones (hispaniques) sont accueillis, sans aucun dispositif.
La salle des profs est soudée ; les équipes sont relativement stables et un noyau de professeurs présents depuis longtemps permet une bonne dynamique d’accueil des nouveaux. De nombreux anciens pensent muter si l’établissement sort de l’EP car les difficultés resteront, sans les quelques moyens supplémentaires actuels.
L’aide aux devoirs fonctionne bien ; de nombreux clubs sont présents dans le collège mais en arrêt du fait de la situation sanitaire. L’enveloppe d’HSE dévolue aux projets est maintenant consacrée aux 2/3 à devoirs faits et il y a donc beaucoup moins de budget pour les projets.
Il y a une pression de la chef d’établissement sur les résultats au DNB (les plus faibles du département en 2020) : elle prétend en effet que les mauvais résultats risquent de conduire à la perte du label et des moyens liés si les résultats ne sont pas à la hauteur des moyens engagés !
Le lien avec le 1er degré est en train de se perdre du fait du départ de la référente RRS avec laquelle s’était engagée une dynamique intéressante. Les profs des écoles du secteur ne sont pas stables ce qui rend difficile les projets école-collège. L’IEN de secteur bouge aussi. Il y a eu à une période des échanges intéressants avec le lycée de secteur sur les attendus en 2de mais les changements de direction au collège et à la cité scolaire de Parentis y ont mis un terme.

2) Collège Duruy :

L’établissement compte 6 divisions par niveau. Il arrive que le nombre d’élèves par classe dépasse les 25. Il accueille un dispositif UPE2A, une ULIS et accueille également de nombreux élèves issus de la communauté des gens du voyage. Il fait donc partie des établissements REP qui ajoutent à l’accueil d’élèves en difficulté sociale des élèves ayant d’autres types de difficulté. Les enseignants ont le sentiment d’être livrés à eux-mêmes face à ces difficultés diverses. Il y a beaucoup d’absentéisme. La question de la vie scolaire est centrale : CPE non stabilisé depuis plusieurs années, AED avec un turn over important, parfois en cours d’année, et direction très laxiste vis-à-vis des élèves. L’équipe enseignante est plutôt stable et soudée. L’établissement est dynamique et organise aussi de nombreux projets et voyages. L’aide aux devoirs fonctionne bien. Actuellement la fin des cours est à 15h30 et il y a de l’aide aux devoirs jusqu’à 17h30.

II/ Intervention de Fabienne Sentex, secrétaire académique, ancienne responsable du secteur collège au SNES-FSU national :

Il n’y a aucune réalité dans la limitation des effectifs à 25 en EP. Ces seuils ont été dépassés, d’abord dans des groupes de langue (comme en latin) puis le dépassement a pu se généraliser dans certaines académies ou départements. Les seuls éléments nationalement définis concernent l’indemnitaire.
La carte de 2014, en prenant comme critère de classement la politique de la ville, a eu comme conséquence que de nombreux collèges ruraux ont été sortis de la carte de l’éducation prioritaire ainsi que l’ensemble des lycées. Pour ces derniers, les dispositifs de « cordées de la réussite » ne constituent en rien une réponse satisfaisante répondant aux besoins de l’ensemble d’un territoire (ils n’existent que sur le papier ou se contentent d’extraire les meilleurs élèves).
Actuellement, cette carte devrait être revue mais elle est prolongée jusqu’à la rentrée 2022. Le Ministère refuse tout bilan mais s’appuie sur des rapports divers qui ont étrillé l’Education Prioritaire. A des fins électoralistes et suite au mouvement des gilets jaunes, le gouvernement s’est soudain intéressé à la question des établissements ruraux. La secrétaire d’Etat chargée de cette question, Nathalie Elimas, a fait une visite éclair au collège de Labouheyre. Elle n’y a rencontré que la chef d’établissement et ne venait pas pour répondre aux questions ou se renseigner sur la façon dont les personnels vivent le quotidien. Ce n’est pas ainsi que l’on fait un bilan.
Le rapport Mathiot-Azéma propose notamment de conserver les REP+ et de développer le recours à l’allocation progressive de moyen pour éviter les effets de seuils (établissements qui sont à la limite des critères de l’Education Prioritaire). Il ne faut pas se leurrer, il n’y aura pas de moyens supplémentaires alloués mais une dilution de ces derniers sur davantage d’établissements.
Il apparaît à travers ce rapport que l’Education Nationale cherche à résoudre des problèmes de ressources humaines, de postes vacants, en prétendant s’intéresser à l’Education Prioritaire. Des bonifications ou des primes seraient ainsi possibles -de façon différente d’une académie à l’autre- pour les personnels qui enseigneraient dans tel ou tel type d’établissement, que ce soient des titulaires ou des non-titulaires. Certes il faut des personnels en face des élèves mais cela ne suffit pas à prendre en charge toutes les difficultés des établissements qui relèvent de l’Education Prioritaire. Le développement de certifications (notamment pour l’accueil des élèves allophones) est également proposé. Un enseignant titulaire d’une certification, s’il peut représenter un soutien intéressant, représente une économie substantielle en comparaison d’une structure UPE2A implantée dans un collège. Ces certifications auront comme conséquence de développer le profilage des postes alors que tout le monde devrait pouvoir bénéficier des formations.
De nouveaux critères, déjà appliqués dans l’académie d’Orléans-Tours, bousculent les attributions de moyens et ont permis que certains établissements plutôt favorisés bénéficient de cette nouvelle répartition. En effet, l’introduction de l’indice d’éloignement géographique comme critère d’attribution est favorable à des établissements qui ne sont pas confrontés à des difficultés particulières. Actuellement, une centaine de collèges ruraux sont déjà intégrés dans le réseau d’Education Prioritaire sur les critères sociaux et scolaires qui semblent les plus pertinents.
Parallèlement, les cités éducatives sont en cours de développement. Elles favorisent l’entrisme des élus et des associations dans l’école. Les établissements scolaires n’y sont qu’un lieu parmi d’autres. Le fait de faire partie ou non d’une cité éducative relève des élus locaux qui font le choix de candidater. Seuls les personnels de direction représentent les établissements dans ces dispositifs, pas les enseignants. Une dotation de 30 000 euros est à partager entre les différents établissements qui composent la cité éducative, ce qui induit une concurrence pour la répartition de cette enveloppe.
La secrétaire d’Etat à l’Education Prioritaire a communiqué directement dans la presse, sans avoir procédé à une concertation préalable. Elle a annoncé une expérimentation dans les académies de Lille, Nantes et Marseille, sous la forme de contrat de 3 ans, du type contrat d’objectifs. Elle évoque aussi un Bureau d’Aide Rapide, une assistance en ligne aux devoirs. Une nouvelle fois l’accompagnement des élèves se reporte à l’extérieur de la classe. D’autre part, les élèves les plus en difficulté sont démunis face à l’écrit et sont dans l’incapacité d’expliquer ce qu’ils ne comprennent pas.

III/ Nos mandats

A l’issue de ce stage, les mandats du SNES-FSU 40 en vue des Etats Généraux de l’Education Prioritaire du mois de janvier organisés par la FSU sont les suivants :
• La dotation de l’Education Prioritaire ne doit pas être déterminée à l’avance avec un nombre d’établissements classés prédéfinis. Les critères permettant le classement doivent être ce qui guide le classement et la dotation doit s’adapter, non l’inverse.
• Les effectifs réduits en Education Prioritaire doivent être préservés.
• Les lycées doivent être intégrés à l’Education Prioritaire.
• Promouvoir activement l’accès aux activités culturelles et sportives grâce à des moyens fléchés est nécessaire.
• Toutes les indemnités et bonifications doivent être conservées afin d’inciter à la stabilité des équipes pédagogiques et de vie scolaire et de reconnaître les conditions de travail difficiles. Les AED et AESH doivent pouvoir également bénéficier de cette reconnaissance.
• Les primes au mérite ne sont pas la solution, elles sont la source d’ambiances délétères dans les établissements.
• Le profilage des postes doit être évité pour ne pas induire de rapport de soumission des personnels au chef d’établissement recruteur.
• Les équipes pluriprofessionnelles doivent être renforcées, de même que les équipes de vie scolaire.
• Du temps de concertation et d’échange doit être inclus sur le temps de service pour permettre le travail nécessaire à un encadrement de qualité, en équipes disciplinaires, pédagogiques ou pluriprofessionnelles (échange avec les personnels de santé par exemple).
• La formation initiale et continue des personnels de l’EN doit inclure des contenus spécifiques à l’activité professionnelle en Education Prioritaire. La recherche-action soumise aux marottes ministérielles (neuro-sciences par exemple) ne saurait être suffisante. Les équipes doivent avoir la main sur les domaines de formation nécessaires et être informées des travaux de recherche menés sur l’Education Prioritaire, notamment pour ce qui concerne l’enseignement explicite.
• La contractualisation sur 3 ans prévue par le gouvernement ne permet pas de répondre aux enjeux. Le SNES-FSU 40 refuse une Education Prioritaire qui fonctionnerait par contrats d’objectifs et permettrait de retirer plus facilement les moyens si ceux-ci ne sont pas atteints. La durée prévue de 3 ans ne correspond même pas au passage d’une cohorte dans un établissement, elle est bien trop courte pour mesurer l’efficacité de quoi que ce soit.