30 novembre 2020

Métier - Collège - Lycée - Violences scolaires - LV - ...

Education prioritaire : Tous perdants

Après une attente de plusieurs mois, le rapport Mathiot-Azema a été enfin rendu public le 5 novembre. Il prévoyait initialement la conservation de la gestion nationale du label REP+ et l’abandon au niveau académique des établissements classés REP, ce qui signifiait leur disparition à bas bruit. La version finale va plus loin, les REP disparaîtront dès la rentrée 2021. Les REP+ sont maintenus jusqu’en 2022 pour une mise en cohérence avec la carte des QPV (Quartiers Prioritaires Politique de la Ville), ce qui fait craindre une possible réduction de leur nombre. Au niveau académique, l’application des préconisations du rapport va se traduire par la délabellisation de 31 collèges. Seuls resteraient les trois REP+ girondins.
Le ministère justifie ce choix politique en opposant les besoins des territoires ruraux et urbains, estimant que les 1ers sont les grands oubliés. Bien sûr, tout cela n’est pas dénué d’arrière-pensée électoraliste. Mais la présentation de la situation est tronquée. Une centaine d’établissements ruraux sont classés. Ce nombre s’explique en partie par les résultats obtenus par les élèves qui sont légèrement supérieurs à la moyenne. De plus, c’est le ministère qui porte la responsabilité de l’éviction d’une partie des établissements ruraux lors de la refondation de l’EP en 2014 en fixant un nombre préalable d’établissements sans tenir compte des besoins et en imposant comme critère l’appartenance à un QPV. 9 établissements avaient été déclassées dans l’académie
Les REP+ semblent épargnés car ces établissements garderaient une gestion nationale, leurs moyens et leur indemnitaire. Cependant l’obligation de se doter « d’un programme de recherche -action centré sur l’accompagnement progressif des enseignants et sur leur outillage à la lutte contre la difficulté scolaire » risque d’imposer à ces établissements des expérimentations tout azimut en lien avec les obsessions techno et neuroscientifiques du ministre Blanquer. Il est aussi prévu de lier une partie de la revalorisation de la prime REP+ à la participation aux formations sur le temps des vacances. Il s’agit donc de mettre au pas les collègues sur les questions pédagogiques à la manière de ce qui se passe dans le 1er degré.
La délabellisation va correspondre à un redéploiement des moyens horaires et indemnitaire des REP sur un plus grand nombre d’établissement avec une enveloppe identique. Les moyens ne seraient plus distribués sur des critères scolaires et sociaux mais en fonction de « particularismes territoriaux » comme la ruralité. Il s’agit ni plus ni moins que de mettre en œuvre une allocation progressive des moyens décidée académiquement avec tout ce que cela suppose de pressions diverses et de variation selon les priorités du moment. Loin de profiter à tous, cette politique entérine l’octroi d’oboles symboliques à un nombre plus important d’établissements. Il n’’y aura sans doute plus de politique spécifique d’EP qui passait dans l’académie par une limitation plus ou moins respectée des effectifs à 25. Or l’augmentation des effectifs dans certains établissements va dégrader fortement les conditions d’enseignement sans améliorer celles des autres établissements qui toucheront les miettes de la redistribution future. Il s’agit d’une politique d’affichage qui va consister à soupoudrer les moyens tout en prétendant que les gagnants seront plus nombreux.
De la même manière, l’indemnitaire des établissements sera supprimé et utilisé pour rendre attractifs des postes sur des établissements peu attractifs. La gestion serait académique et donc dépendrait du fait du prince. Les collègues des REP seraient dépouillés de leur indemnitaire. Ainsi les nouveaux installés dans les établissements ruraux dont certains seraient des anciennes REP bénéficieraient de prime alors même que les collègues déjà présents n’auraient rien. La délabellisation pose aussi crument la question d’accès à la classe exceptionnelle pour les collègues exerçant dans les établissements en EP où les conditions d’exercice sont difficiles. Au-delà de la perte de l’indemnitaire, le rapport propose sous couvert d’expérimentation différentes méthodes pour pouvoir attirer sur les établissements délaissés des personnels. Elles s’inscrivent toutes parfaitement dans la loi Fonction publique dont le but est le détricotage du statut. Il est proposé de développer la bivalence, les postes à profil, d’encourager le recours aux contractuels et aux lettres de missions.
Quant aux lycées, il n’est rien prévu pour eux, à part y développer les cordées de la réussite ou des parcours d’excellence, ce qui correspond tout à fait à l’idéologie blanquérienne. Il n’est plus question d’avoir comme ambition de faire réussir tous les élèves mais seulement de faire progresser les « méritants » sur qui sont concentrés les efforts et les moyens. Si on ajoute à cela le retour des internats d’excellence dont le but était d’exfiltrer des établissements de l’EP les bons élèves, on comprend bien que c’est l’abandon et la relégation de la majorité des élèves qui se joue. Il n’est pas question de remettre en question la ségrégation scolaire.
Les cités éducatives sont vouées à être généralisées voire à se substituer à l’EP. Leur mise en œuvre dans une grande opacité, se fait sans les enseignants. Le cadre est un véritable terrain d’expérimentation où le pouvoir est détenu par les collectivités et la préfecture. Elles vont permettre le retour par la petite porte des EPSF. Quand aux ambitions scolaires pour les élèves, on est là aussi dans le tri pour certains, la cordée de réussite pour les autres et l’apprentissage.
Le Snes lui réclame une autre politique, ambitieuse pour tous les élèves, qui passe par le maintien de l’EP et la construction d’une carte partant des besoins, permettant d’y classer tous les établissements publics, qu’ils soient ruraux ou urbains, relevant de critères sociaux et scolaires concertés. Pour la ruralité, un budget spécifique doit être créé permettant le financement d’une carte des formations riche. L’accès à la culture doit y être facilité par la prise en compte des déplacements, des équipes pluriprofessionnelles et administratives complètes constituées et les ambitions des élèves en terme d’orientation encouragées.

Fabienne Sentex