Texte adopté - CAA de Bordeaux le 13 décembre 2024

La section académique a appris avec sidération et une immense tristesse la mort de Lison Méral, victime à 23 ans d’un féminicide commis le 2 décembre à Toulouse. Elle s’associe à la douleur de la famille, en premier lieu ses parents Anne et Jean-Pascal, secrétaire général académique du SNES pendant 12 ans, et son frère, Guillaume, ainsi que Jade, sa sœur de cœur.
L’horreur n’a pas de mots et nous laisse désemparées. Si le SNES est engagé au quotidien dans la lutte contre les violences faites aux femmes, rien ne nous prépare à l’irruption d’une violence aussi abrupte et qui nous dépasse. La mort de Lison restera pour nous emblématique de ce que la société fait subir de pire aux femmes. Elevée dans la conscience de son droit à la liberté, Lison est une victime d’un patriarcat qui pour nous ne sera plus jamais un mot. Il s’incarne dans des hommes qui tuent parce qu’ils font des femmes des objets de possession et leur refusent cette liberté.
Ce féminicide laisse également un sentiment d’impuissance aux militantes que nous sommes. Notre volonté de lutter contre les violences faites aux femmes, d’abord dans le cadre syndical et professionnel qui est le nôtre, paraît dérisoire au regard des changements nécessaires pour que les féminicides appartiennent définitivement au passé. Notre engagement se poursuivra : pour l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes, pour que l’employeur prenne ses responsabilités face aux situations de violence dans la sphère professionnelle ou familiale, pour former, informer, dénoncer, avec la volonté et dans l’espoir que notre société évolue, enfin. Mais la conscience que cet engagement est actuellement impuissant à changer celle-ci est plus vive et douloureuse que jamais. Toutes nos pensées et notre affection vont vers Jean-Pascal, toute la famille et les proches de Lison.

Malgré notre immense peine, le travail de la section académique et des sections départementales s’est poursuivi.
La journée d’action fonction publique du 5 décembre, à l’appel d’une large intersyndicale, a été très réussie dans l’académie de Bordeaux. Les cortèges ont réuni autour de 10 000 personnes dans les différents départements avec une forte présence du SNES et de la FSU. Les taux de grévistes remontés par les S1 font également état d’une belle mobilisation avec une moyenne de 46% dans l’académie mais une différence assez marquée entre les collèges (51% de grévistes) et les lycées (37% à relativiser du fait du faible nombre d’établissements qui ont saisi).
C’est massivement que les professions représentées par le SNES-FSU ont signifié leur refus des mesures projetées par le désormais ex ministre de la Fonction Publique : pénalité de trois jours de carence et diminution à 90% du maintien de rémunération les 3 premiers mois d’arrêt maladie, suppression de la GIPA. Les collègues ont aussi voulu marquer le besoin de revalorisation salariale, de moyens pour l’Éducation Nationale alors que le projet de budget 2025 prévoyait la suppression de 4000 postes dont 180 dans le second degré.
Pourtant, la motion de censure adoptée la veille du 5 décembre par les parlementaires, entraînant la chute du gouvernement Barnier malgré les nombreux appels à la « responsabilité », avait fait planer des doutes sur la nécessité de la grève dans l’esprit de quelques unes. Pourquoi défiler en l’absence de gouvernement, de budget ? Le danger n’était-il pas écarté ?
Les arguments du SNES ont été entendus : importance de faire entendre la colère face à un projet idéologique inacceptable, instauration du rapport de force, signal fort envoyé au futur gouvernement du rejet de telles mesures, affirmation du besoin de moyens pour la Fonction Publique et l’Éducation en particulier.
La communication du SNES en amont du 5 décembre reposait sur le mot d’ordre « Grève le 5 décembre, point de départ de la mobilisation », affirmant la nécessité d’ancrer le mouvement dans la durée, avec un rebond rapide. Pour autant, la situation politique et les incertitudes qui en découlent ont réduit l’arc intersyndical fonction publique et éducation et rendu complexe ce rebond immédiat dans la majorité des départements de l’académie. Pour nombre de collègues, il faut désormais attendre la constitution d’un gouvernement, la nomination de ministres de l’Éducation Nationale et de la Fonction Publique pour se mobiliser à nouveau. Le 6 décembre les organisations CGT, FSU et Solidaires ont appelé les agentes publics à se mobiliser lors d’une semaine d’actions sectorielles et territoriales, de rassemblements, et d’expression revendicative, à compter du 9 décembre, avec un temps fort pouvant aller jusqu’à la grève le jeudi 12 décembre. L’intersyndicale éducation (avec les mêmes organisations syndicales) a fait de même mais la diversité de la réalité de terrain dans les départements n’a pas pu conduire à un appel académique à la mobilisation.

Entre le 9 et le 12 décembre, plusieurs rassemblements ont été organisés dans le 64, en marge d’une formation spécialisée ou en soutien aux grévistes de la SNCF ou salariées de l’industrie. Dans d’autres départements, le constat que la réalité locale, y compris en intersyndicale interpro ne permettait pas d’envisager d’appeler à rassemblement s’est imposé et un appel à mobilisation locale a été diffusé aux syndiquées : rassemblements, interpellation d’élues, piquets de grève, heures d’information syndicale ou AG d’établissement, diffusion de tracts, etc. En Gironde, la journée du 12 décembre a été marquée par plusieurs rassemblements, s’associant aux mobilisations locales du lycée Brémontier ou du lycée Victor Louis. Un rassemblement et une manifestation pour la défense des entreprises et des services publics, ont été organisés à l’initiative de la CGT, rejointe par la FSU, Solidaires, FO, la CFE-CGC et l’UNEF ont été organisés. Dans ce département, la semaine d’action se clôturera par un rassemblement le 14 décembre à l’initiative du président du Conseil départemental de la Gironde pour dénoncer l’austérité budgétaire. Pour le SNES, il s’agit de dénoncer l’impact de cette austérité sur les budgets des collèges.

L’objectif est bien d’entretenir l’action, là où c’est possible et dans un cadre permettant de la visibilité, pour poursuivre la construction de ce mouvement d’ampleur amorcé en décembre. La nomination de François Bayrou comme premier ministre traduit l’obstination du président de la république, au mépris du résultat des urnes, à mener une politique libérale et de casse des services publics. Ainsi, au mois de janvier dans le cadre de la préparation de rentrée, de la présentation d’un nouveau projet de loi de finances et d’un nouveau projet de loi de finances de la sécurité sociale, le SNES et la FSU devront porter à nouveau fortement les revendications budgétaires de revalorisations salariales, et toutes celles propres à l’amélioration des conditions de travail, dont les créations de postes. Le respect du statut de fonctionnaire, la haute valeur du service public devront également être mis en avant.

Les retraitées, outre le soutien qu’iels ont pu apporter le 5 décembre par leur présence dans les cortèges, se sont aussi mobilisées le 3 décembre pour exiger la revalorisation de leur pension et en particulier l’indexation de toutes les retraites a minima sur l’inflation au premier janvier. Des rassemblements étaient organisés dans tous les départements afin de rendre visibles les revendications et de faire signer plus largement la pétition du G9 avant remise en Préfectures. Dans la plupart des départements, la remise des pétitions a donné lieu à audience en Préfecture et d’autres audiences ont eu lieu auprès des députés (hors-RN). La presse a répondu favorablement aux sollicitations (conférences de presse, communiqués) de sorte que les rassemblements ont été significatifs, même dans les départements où il y en avait deux. Dans notre académie comme au plan national, on peut se réjouir de la réussite de cette action.

La section académique et les sections départementales poursuivent donc leur campagne de syndicalisation, d’information, de mobilisation, le plus largement possible. Plus que jamais le travail de terrain pour un syndicalisme fort, la diffusion de nos mandats – notamment sur les questions de rémunération -, la prise de conscience des enjeux de la fonction publique sont nécessaires. Le recul de la date de clôture des inscriptions aux concours a montré une nouvelle fois le manque d’attractivité de nos métiers dépréciés.

Dans plusieurs académies, les rectorats avaient annoncé la rupture ou le non-renouvellement de contrats de non-titulaires lors des congés de fin d’année, faute de budget. Le ministère, sous la pression du SNES-FSU, leur a donné la consigne de proposer immédiatement une reconduction de contrat. Si le SNES-FSU défend tous les personnels, il rappelle l’exigence de recrutements de fonctionnaires par diverses voies, et la consolidation d’un statut protecteur, pour assurer les missions et fonctions liées au service public d’éducation. Le remplacement des personnels d’enseignement, d’éducation et d’orientation ne doit pas faire exception. C’est bien le recours à la précarité qui autorise les rectorats employeurs à envisager des mesures inacceptables frappant les plus fragiles.

Le Conseil d’État a annulé l’arrêté « choc des savoirs » du mois de mars, sur la base de l’argumentation portée par le SNES. C’est une victoire significative à mettre au crédit de l’action juridique mais également de la mobilisation de notre organisation syndicale à tous les échelons et des personnels sur le terrain. Les journées de grève et de manifestation, les nombreuses opérations collège mort en partenariat avec les parents d’élèves, la pugnacité de nos représentantes dans les conseils d’administration pour vider la réforme de sa substance ont témoigné avec force de l’opposition majoritaire des collègues à la dimension idéologique de cette réforme et à la dégradation des conditions de travail qu’elle entraînait. Le SNES, avec l’intersyndicale éducation, ne baisse pas la garde face à un pouvoir prêt au passage en force pour imposer le « choc des savoirs » à la rentrée prochaine avec la publication express d’un décret, malgré l’absence d’une ministre de plein exercice. Pour l’heure, la rentrée 2025 doit s’organiser sans groupes de niveaux, sans les mesures qui étaient prévues sur les niveaux 4e et 3e, sur la base de l’organisation de la rentrée 2023, soit avec une heure de soutien/approfondissement en 6e et avec le rétablissement de l’AP.

Le pacte, et en particulier son volet RCD, l’insuffisance des postes et des moyens alloués aux établissements, l’absence de revalorisation sans contrepartie, les conditions de travail de l’ensemble des personnels et le mépris auquel ils sont confrontés, sont des motifs suffisants pour la poursuite de l’action. Mais le SNES doit poursuivre son travail de fond pour en faire prendre conscience à une majorité de collègues, submergées par la charge de travail et les injonctions et qui se sont accoutumées à une dégradation continue de leur rémunération et de l’exercice de leur métier. Si le 5 décembre a été une réussite, c’est parce que les collègues ont réagi face à des mesures Kasbarian qui poussaient encore d’un cran cette dégradation. Il est évident que les premières semaines de l’année 2025 seront cruciales à plus d’un titre et le SNES devra être à l’offensive pour alerter et mobiliser majoritairement les personnels sur les questions budgétaires et éducatives. Avec la FSU, il restera vigilant sur toute tentative de retour des mesures Kasbarian.
La section académique pourra notamment s’appuyer sur les stages à destination des sections d’établissement, prévus à la mi-janvier dans les départements. Des HMIS clé en mains devront être mises à disposition des S1, ainsi que des visuels mobilisateurs.
La poursuite du travail de terrain accompli pour le 5 décembre doit déboucher sur un mouvement majoritaire de contestation et de revendication à même de faire renoncer tout gouvernement à de nouvelles mesures iniques et régressive et qui portera notre projet ambitieux pour le service public d’Éducation en mettant en avant les revendications suivantes :
  dégel du point d’indice, augmentation des salaires et suppression du jour de carence
  abandon du PACTE et du choc des savoirs
  abandon de la réforme des retraites
  abandon des suppressions de postes et créations à hauteur des besoins
  un statut de catégorie B pour les AESH
  mise à plat des réformes du lycée, lycée pro et parcoursup qui creusent les inégalités et organisent une mise en concurrence généralisée

Texte adopté à l’unanimité des 26 présentes

MOTION

Le secrétaire du Comité Social et Économique Enedis Aquitaine et le secrétaire de la CGT Energie 33 ont été condamnés jeudi 12 décembre à 9 mois de prison avec sursis, ainsi qu’au versement de dommages et intérêts et d’amendes pour dégradation et détérioration en réunion des biens appartenant à autrui, mise en danger d’autrui et complicité de mise en danger d’autrui.
La cour d’appel de Bordeaux a rendu ce verdict après une relaxe en première instance le 9 janvier 2024 qui avait mis en avant le droit de grève et la liberté d’expression syndicale. Le pourvoi en cassation a été annoncé.
Lors de la mobilisation contre la réforme des retraites, la CGT Energie avait procédé à des coupures de courant et à des mises en gratuité. L’imputation à ces deux représentants syndicaux d’actions collectives et de faits de grève criminalise et attaque l’action syndicale en tant que telle.
La section académique du SNES-FSU de Bordeaux condamne fermement la répression envers le corps social et ses représentantes et défend le droit de grève, de manifestation et la liberté d’expression syndicale.


Motion adoptée à l’unanimité des 27 présentes